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Rester avec moi

La restabilité. Rester avec. Je n’ai pas inventé le terme. Il vient d’Issâ Padovani qui connaît bien le Focusing. C’est exactement cela le Focusing. Rester avec. Je vous en ai souvent parlé. Et j’ai le sentiment d’en comprendre encore un peu plus le sens depuis ce matin. Rester avec ce qui est douloureux. Rester avec quand on est face aux plus grandes épreuves. Rester avec quand je suis face à ce qu’il y a de plus douloureux. Pour moi c’est la solitude. J’ai développé de nombreuses stratégies pour fuir cette solitude que je ne pouvais supporter. Le tabac, le sexe, l’alcool, la nourriture. C’est ce que j’ai le plus utilisé pour fuir. Mais pourquoi ai-je tant besoin de fuir le « être seule » ? Qu’est-ce que je fuis en réalité ? Ce matin un ami m’a accompagnée en Focusing. Et j’ai vu ce qu’il se passe lorsque je tente de fuir ma solitude. Pourquoi je cherche tous les moyens possibles pour la fuir ? Parce que lorsque je suis seule, je suis face à moi-même et c’est cela qui m’est si insupportable. Ce matin j’ai contacté cette tension à l’intérieur de moi dès que je suis avec quelqu’une. Cette tension qui part de « je ne dois surtout pas être rejetée. Je dois être acceptée par tous les moyens ». Avant ce matin cette injonction profonde et omniprésente n’était pas vraiment consciente en moi, pas complètement. Je ne l’avais pas encore sentie dans mon corps. Elle se cachait, recouverte adroitement par des couches inconscientes qui ne voulaient pas que je la voie pleinement, que je la sente pleinement. En acceptant d’être avec la douleur ce matin, je l’ai vue, je l’ai ressentie entièrement.

Vouloir être acceptée à tout prix. Il n’y a rien de honteux là-dedans. Je crois que nous sommes bien nombreuses à porter cette injonction, malgré nous. Il y a cette aspiration profonde en chacune de nous à l’indépendance. Il y a tous ces moments où nous nous affirmons quitte à perdre une relation. Il y a ces instants où tout notre corps réclame à grands cris la liberté… Et il y a cet impénétrable besoin d’être aimée, cet instinct peut-être plus fort que tout à rechercher et à trouver le lien avec l’autre, à n’importe quel prix, pourvu que nous ne soyons pas seule, face à nous-mêmes.

Ce matin j’ai réalisé à quel point l’enfant abandonnée en moi me contrôlait encore. J’ai réalisé que toute ma personnalité était construite sur elle et que je vibrais cet abandon à chaque instant de ma vie. Et au lieu de chercher à changer ça, je suis resté avec. C’était vraiment douloureux. Les racines de cet abandon sont si profondes et je me suis tant identifiée à elles, totalement inconsciemment, qu’il m’a paru impossible de m’en défaire. J’ai aussi vu, comme me l’avait dit Marie Madeleine (va falloir que je vous raconte ça dans un prochain article !), que cela a une raison d’être. Cet abandon lorsque j’avais cinq ans a écrit les trente années suivantes de ma vie dans la solitude. Il l’a plantée en moi, je m’en suis abreuvée et je n’ai fait que la recréer sans cesse depuis… Jusqu’à ce que j’ai épuisé toutes les tentatives de fuite et qu’enfin je sois capable de rester avec.

Il y a des fuites qui sont évidentes, je les ai déjà citées : le tabac, l’alcool, le sexe, la nourriture. Ce matin j’ai vu qu’il y en a d’autres qui le sont beaucoup moins, qui passent facilement pour des stratégies saines de bien-être et qui sont tout autant des moyens de me fuir. L’amitié, l’amour, les films et séries, les livres, les jeux, la musique… En fait absolument toutes les distractions. Tout ce qui m’emmène ailleurs qu’en moi, en ma seule compagnie, face à mon vide, face à ma douleur. En restant enfin avec ce matin, j’ai eu mal, vraiment. Ca a fait beaucoup plus mal que lorsque je me fuyais. Et en même temps, ça a fait beaucoup moins mal. J’ai senti toute l’énergie que cela me demandait de détourner mon attention de moi en permanence, tout ce que cela me coûtait. C’était si dur ! J’ai senti un immense soulagement à accepter d’avoir mal.

Je crois que nous fuyons toutes la solitude, d’une manière ou d’une autre. Et j’aimerais réussir à vous dire ce qu’il y a de profondément beau à l’accueillir. Solitude et abandon sont profondément liés dans mon histoire. L’un équivaut à l’autre. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas pu passer une journée seule sans me sentir abandonnée. En fait même lorsque les distractions arrivent à me le masquer, au fond je me sens toujours seule et abandonnée. Je ne sais pas si ça changera complètement un jour (je l’espère de tout cœur !). Mais je sais que la compétence à rester avec sans chercher à fuir, sans appeler une amie, sans me mettre sur un site de rencontres, sans allumer la télé ou prendre un bouquin, me fait ressentir un profond lien de compassion avec moi-même. Et que cette compassion qui renoue le lien entre moi et moi m’apporte un tout nouveau point de vue. Tout à coup je sens à quel point je dois m’adapter dès que je suis en présence d’un autre être humain. Je vois mon automatisme à repousser au fond de moi tout ce que je suis qui pourrait ne pas plaire, ne pas convenir à l’autre, quelle qu’elle soit. Je sais que la rééducation sera longue, qu’elle va me demander de nombreuses heures de « restabilité » à ressentir ce qui est en moi, ce que je suis, exactement tel que c’est en lui offrant toute ma compassion. Je sais que cela va contenir de la douleur, peut-être beaucoup de douleur. Mais je sens que cela sera infiniment plus doux pour moi et moins énergivore ! Je sens déjà que c’est le seul moyen de peut-être un jour guérir de cet abandon : cesser de m’abandonner moi-même. Rester avec moi.

Je vous souhaite de rester avec vous, sans rien faire d’autre que de vous ressentir, au moins quelques minutes chaque jour. Vous méritez largement de vous offrir cette attention, sans condition ni but ni distraction. Juste être là avec vous, pleinement et exactement telle que vous êtes.



 
 
 

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